Home La Question Photo Les photographes de mode ont-ils révolutionné la photographie ?

Les photographes de mode ont-ils révolutionné la photographie ?

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Le photographe de mode fabrique une image. Et il s’est longtemps effacé derrière le créateur du vêtement ou de l’accessoire dont sa photo faisait la promotion. Pourrait-il avoir pressenti, voire même contribué à certaines transformations dans la manière de concevoir la photographie ?

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Photographier, c’était capter le réel. Percevoir les formes du réel et les organiser à l’intérieur de la photographie. Mais voilà que des photographes, dans un but commercial, se mettent à recréer le réel. Le studio devient cette petite scène de théâtre sur laquelle le photographe peut tout convoquer et assembler selon son désir : modèles, formes, lumières. Le photographe de mode est un démiurge. Il ne s’agit plus de sortir dans la rue et faire parler le réel, il s’agit d’avoir des idées, d’être créatif. Au cinéma, le photographe de mode vit dans un tourbillon avec mille idées à la seconde : il est joué par Fred Astaire dans « Funny Face » (tourné en 1957). Audrey Hepburn se pâme devant lui.

Audrey Hepburn et Fred Astair

Mais puisqu’il peut recréer le monde dans le studio, le photographe de mode peut donc aussi le recréer dans la rue. Et donc, plier la rue à ses désirs. Imiter la photo prise sur le vif alors que la sienne a été minutieusement construite. Imiter. C’est le mot-clef. Le photographe de mode est un faiseur. Non pas qu’il ne recrée que du faux, disons plutôt qu’il sait comment disposer et assembler les éléments à l’intérieur d’une image. Le talent de Henri Cartier-Bresson était de trouver sa place au milieu du réel, celui de Frank Horvat sera de mettre le réel en (bonne) place.

Franck Horvat

Frank Horvat

Au tournant des années 1980, c’est toute la photographie qui va se transformer : elle n’est plus seulement l’instrument du reportage documentaire, mais devient reconnue comme un art à part entière. Elle se détache du réel. D’autant plus que les reportages truqués et les manipulations numériques font douter de sa capacité à le représenter. L’artiste photographe choisit alors de recréer le réel, à la manière d’une fiction déployée devant l’appareil photo. On parle de « photographie plasticienne » : un terme qui veut dire que la photographie est entrée dans le champ des arts plastiques. On peut la travailler comme on travaille un dessin ou une peinture. On comprend bien ce qu’une telle conception doit à la photographie de mode puisque l’artiste photographe se met alors à travailler autant avec son imagination qu’avec le réel.

Guy Bourdin

Guy Bourdin

Guy Bourdin

Guy Bourdin

Dès lors, les allers et retours entre photographie de mode et photographie contemporaine seront incessants. Et les deux mondes deviendront parfaitement poreux. Pour preuve, la manière dont la critique d’art s’est emparée des œuvres de Helmut Newton ou d’Irving Penn. Ou bien les détournements ambigües de genres photographiques opérés par Oliviero Toscani dans le cadre des campagnes Benetton : publicité ? Photo de reportage ? Photo conceptuelle ?

Oliviero Toscani

Oliviero Toscani

Prenons encore un exemple : les artistes photographes contemporains ont beaucoup travaillé autour de l’idée de banalité, de représentation du quotidien. Cette idée peut même aller jusqu’au trash, à la photo mal faite. Idée largement exploitée dans la photo de mode. Et il serait bien difficile de savoir quel milieu a eu une influence sur l’autre.

Juergen Teller

Juergen Teller

On l’a esquissé très rapidement : le photographe de mode peut être considéré comme un précurseur de certaines tendances de la photographie contemporaine. Reste que le photographe de mode ne fait pas directement de l’art : il fait de la publicité. Disons de la communication. Et pour cela, il utilise des stratégies visuelles. Exactement comme le font certains photographes contemporains.

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