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Mathieu Pernot au Jeu de Paume et à la Maison Rouge

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Riche actualité parisienne pour le photographe Mathieu Pernot : si l’exposition monographique présentée à la galerie du Jeu de Paume met l’accent sur son engagement et la cohérence de sa démarche, celle de la Maison Rouge (en collaboration avec l’historien Philippe Artières) développe un propos ambitieux qu’elle a parfois du mal à tenir.

Note de la rédaction :Jeu de Paume : ★★★★★/ Maison Rouge : ★★★☆☆


Vos raisons d’y aller

Vous aimez une photographie qui puisse traiter intelligemment de sujets de sociétés (Jeu de Paume & Maison Rouge)
Vous vous intéressez à la façon dont est traitée l’histoire de la photographie (Maison Rouge)

Vos raisons de vous en passer

La photographie de famille ou à usage fonctionnel ne vous intéresse pas (Maison Rouge)
Vous connaissez bien l’oeuvre de Mathieu Pernot à travers ses livres (Jeu de Paume)


L’auteur

Mathieu Pernot est un photographe engagé. Il a commencé à photographier la communauté tsigane en 1995, explorant et revisitant le sujet année après année. A photographié dans les prisons. Les banlieues. Les migrants afghans. Répondant parfois à des commandes publiques ou menant un vrai travail d’enquête historique et sociale, comme lorsqu’il exhume les témoignages des tsiganes que le gouvernement de Vichy, en 1942, avait internés au camp de Saliers (Bouches-du Rhône). Son travail peut alors mêler des documents d’époques (fiches d’internement, carnets de circulations, témoignages sonores) que sa photographie complète avec justesse et pudeur : en écho aux photos anthropométriques usées et jaunies, il reprend, à cinquante années d’écart, un portrait de face. Mais cette fois-ci, le portrait est posé, librement consenti, digne.

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L’exposition

L’exposition du Jeu de Paume présente onze séries qui permettent de bien entrer dans la démarche du photographe. Trois points majeurs nous semblent la caractériser :

  • d’abord, la nature de ses sujets. Traiter de populations « invisibles », à la marge, et mêler les thèmes de l’invisibilité et de la mémoire (Implosions de cités de banlieue comme un effacement instantané de la mémoire, Fenêtres de logements sociaux évoquant le regard absent : nous regardons une fenêtre par laquelle plus personne ne regardera).

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  • le travail de recomposition à partir de ses sujets. Le photographe a cette capacité à revisiter des sujets parfois éloignés dans le temps et à les assembler pour les faire dialoguer. Apparaît alors la constance de sa démarche à travers des rapprochements féconds pour le spectateur. Cette attitude très évidente dans certains de ses ouvrages (Le Grand Ensemble, éditions du Point du Jour) s’affiche dès l’entrée de l’exposition avec une oeuvre protéiforme réunissant des photos de Giovanni, jeune Rom que Mathieu Pernot a commencé à photographier en 1995 jusqu’à aujourd’hui. Archives ou extraits des différentes séries de l’exposition , on voit bien que les ensembles de Mathieu Pernot peuvent se recomposer en multiples récits photographiques.

  • l’inscription de ses photographies dans une histoire de la photographie et de ses usages : portraits d’identité, photomatons, cartes postales. Mathieu Pernot rejoue des codes existants de la photographie pour les éroder de l’intérieur.

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Seul petit bémol sur une exposition très complète : on aurait aimé un peu plus de précisions sur certaines séries. Dans quelles circonstances les photos de la série Implosions ont-elles été réalisées ? Les photos des migrants sont-elles des photos volées ou consenties ?


L’exposition de la Maison Rouge est d’une nature différente. Mathieu Pernot et l’historien Philippe Artières ont travaillé à partir des archives de l’hôpital psychiatrique de Picauville (près de Cherbourg). Recomposant et mettant en scène ces archives, le propos vise à mêler l’histoire de l’institution, celle de la psychiatrie, l’Histoire qui n’est jamais au-dehors (notamment pendant la seconde guerre mondiale), mais veut surtout présenter une sorte de contre-histoire du médium photographique à travers ses différents usages.

Or, si on apprécie les interventions discrètes et mesurées des photographies de Mathieu Pernot (un peu convenues aussi), on a du mal à entrer dans le propos de cette contre-histoire de la photographie : d’abord parce que l’ensemble peine à nous restituer une « expérience » du lieu. Paradoxe d’une exposition surtout photographique dans laquelle le public semble plus touché par les rapports d’internements, c’est-à-dire des documents écrits. Ensuite parce que le corpus photographique (et cinématographique) présenté est majoritairement constitué par des photographies dites vernaculaires (à usage privé, sans volonté artistique) livré à l’interprétation libre du spectateur (ce qui est aussi louable que problématique). On aurait souhaité un peu plus de commentaires de la part des auteurs.

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Toutes les images : Mathieu Pernot

Mathieu Pernot, La traversée
Jeu de Paume,
1 Place de la Concorde, 75008 Paris.
Jusqu’au 18 Mai 2014.

Horaires
Mardi : de 11h à 21h.
Du mercredi au dimanche : de 11h à 19h.
Fermeture le lundi, y compris les jours fériés.

Tarifs
Plein : 8,50 €
Réduit : 5,50 €
Possibilité de tarifs de groupe (plus de détails sur le site du Jeu de Paume)

Site internet : http://www.jeudepaume.org/

Mathieu Pernot/Phillippe Artières. L’asile des photographes
La Maison Rouge,
10, boulevard de la Bastille, 75012 Paris.
Jusqu’au 11 Mai 2014.

Horaires
ouvert du mercredi au dimanche de 11h à 19h
nocturne le jeudi jusqu’à 21 h

Tarifs
Plein : 8,50 €
Réduit : 5,50 €

Site internet : http://www.lamaisonrouge.org/