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Matt Wilson, le photographe qui ne voulait pas devenir professionnel

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Matt Wilson découvre la photographie à New York à la fin des années 1980. Alors qu’il se passionne pour ce medium, il se forme pour devenir photographe professionnel. Mais après plusieurs années d’assistanat, il préfère devenir charpentier afin de préserver la photographie de tout enjeu économique. Rencontre.

| Interview par Molly Benn | Toutes les images par Matt Wilson, courtesy galerie Les Filles du Calvaire


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► ► ► Cet article fait partie du dossier : MOIS DE LA PHOTO 2014 | #01 : Anonymes et amateurs célèbres

OAI13 : Comment es-tu venu à la photographie ?

Matt Wilson : J’ai un peu étudié les arts, surtout la peinture. J’ai été élevé avec des gens qui aimaient peindre. Donc j’ai toujours beaucoup regardé des tableaux. Par contre, je n’ai jamais étudié la photographie. Je vivais à Londres, mais je n’étais pas satisfait de la vie artistique anglaise. Alors j’ai décidé de partir à New York. Comme ça. Je n’avais rien prévu. Je n’avais pas de filet de sécurité. Quand je suis arrivé là bas, je me suis mis à faire plein de petits jobs pour survivre. Et puis j’ai rencontré une fille dans une fête. Elle aimait les arts. Elle m’a donné un vieux Nikon avec lequel j’ai commencé à m’amuser. J’aimais photographier les rues de New York. J’ai toujours aimé profondément la peinture. Mais là, la photographie m’interpellait naturellement par son côté instantané. Mon œil pouvait peindre avec un appareil photo.

J’ai donc décidé de prendre la photographie au sérieux et d’en apprendre la technique. J’avais besoin de comprendre ce que je faisais. À cette époque, je traînais beaucoup avec des assistants de photographes. Un bon ami m’a trouvé un job d’assistant et c’est ainsi que j’ai appris les règles du métier, pour les respecter puis les briser. J’ai appris le langage photographique.


New York était-elle une bonne ville pour commencer la photographie ?

New York était une ville très différente à l’époque (à la fin des années 1980s, ndlr). On se serait cru dans un zoo. La 42ème rue était à la fois pleine de diners et de clubs de strip-tease. New York était une ville dangereuse et c’en était excitant. Je parcourait les rues à la recherche de ce que je pourrais bien faire avec un appareil photo.


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Es-tu devenu photographe dans ta vie professionnelle ?

Oui, c’était la suite logique de mon activité d’assistant photographe.Je devais devenir un photographe de pub ou de corporate et gagner de l’argent. Mais dès mes premières commandes, je me suis aperçu que cette activité me dégoutait. Elle me détournait de ce qui me faisait aimer la photographie. Je passais des journées complètes dans des studios, sans voir la lumière du jour.

Franchement, à ce stade, autant travailler dans une usine. La photographie commerciale n’avait aucun sens pour moi, elle n’avait aucune âme. À la fin de mes journées, je ne voulais plus toucher à quelque appareil photo que ce soit. La pub et le corporate ont tué ma créativité. J’ai commencé à entendre une voix intérieure qui me disait d’arrêter tout ça. Et c’est ce que j’ai fait. J’aimais trop la photographie pour devenir un photographe de pub.

Qu’est-ce que tu n’aimais pas dans la photographie de pub ?

L’argent. Et puis, je ne voulais pas être dirigé par qui que ce soit. Je ne voulais rien vendre. Tout ça, c’est juste du business. Et moi, le business, ça ne m’intéresse pas.


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Qu’as-tu fais alors ?

Avant de quitter Londres, j’avais pas mal travaillé dans le bâtiment. C’est ce que faisait mon père. Il m’a appris à me servir de mes mains ainsi que la valeur du toucher. Les travaux manuels nous permettent de sentir et de créer quelque chose. J’étais un bon charpentier. Alors j’ai décidé de m’orienter dans ce secteur. J’étais beaucoup plus heureux de travailler la journée et de rentrer le soir en étant excité à l’idée de faire de la photographie.

Et comment passe-t-on de la charpenterie au fait de mettre ses images en galerie ?

Il y a toute une communauté artistique à New York. Et moi, j’avais l’habitude de traîner avec des artistes, des peintres, des sculpteurs… Un jour, un de mes amis m’a proposé d’exposer quelques unes de mes images dans une exposition collective. Lors de cet évènement, une personne a repéré mon travail et m’a proposé une exposition personnelle. Et de fil en aiguille, Christine Ollier a découvert mon travail. Nous avons commencé à échanger et une relation de confiance s’est installé. Je n’ai jamais vraiment prospecté pour montrer mon travail. J’ai juste fait mon petit bout de chemin et j’ai été chanceux.



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Au final, le fait que tu aies décidé de ne pas devenir photographe de pub, ça t’a donné la liberté de faire quelque chose qui te correspond.

Absolument. J’ai des amis qui sont photographes de pub. Mais ils font de la photographie au mètre. Pour moi, ce n’est pas de la photographie. Surtout quand on commence à découvrir des travaux marquants et incontournables. Quand j’ai découvert Exiles de Josef Koudelka, mon regard en a été complètement bouleversé ! Tout cela faisait sens pour moi. C’était tout ce que j’avais envie de faire : gagner de l’argent pour voyager et travailler.

Mais si j’étais devenu un photographe commercial, je ne ferais pas le type d’images que je réalise aujourd’hui.

Qu’est-ce qui t’inspire aujourd’hui ?

Le quotidien, la vie. Tu connais le mot « elucidation » en anglais ? Il désigne l’acte conscient de regarder, par opposition au fait inconscient de voir. C’est un très beau mot qui désigne bien ce que j’essaye de faire. Je choisis de voir des choses que d’autres personnes ne voient pas. La vie est intéressante, la vie est une aventure. Et quand je parle d’aventure, je ne pense pas forcément à prendre l’avion pour aller dans un autre pays. Je pense simplement à sortir de chez moi et voir ce qui se passe en bas de ma rue. Je ne suis pas compliqué. J’aime simplement me balader et laisser la vie me surprendre.



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Ce travail est exposé au MOIS DE LA PHOTO 2014

Plus d’infos :

  • Matt Wilson – This Place called Home
  • Galerie Les Filles du Calvaire | 31 octobre 2014 – 30 novembre 2014
  • 17 Rue des Filles du Calvaire, 75003 Paris
  • Entrée gratuite


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Molly Benn a co-fondé OAI13 en septembre 2013. Elle en a été la rédactrice en chef jusqu'en 2015. Elle est maintenant Community Editor FR pour Instagram. Ses opinions sur OAI13 sont les siennes et pas celles d'Instagram.

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