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« Le World Press avance avec son époque à marche forcée »

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« Le métier va nous tomber dessus, c’est sûr, mais on s’y attend et on assume totalement notre choix ». Patrick Baz, donnait le ton d’entrée, jeudi 12 février, à Amsterdam, en marge de la conférence de presse qui allait annoncer les photographies élues par le jury dont il était membre. La suite des événements ne lui donna pas complètement tort. Les décisions rendues publiques, photographes et professionnels du secteur y sont allées de leurs observations. Le World Press Photo reste une compétition, et les déçus s’en prennent toujours à l’arbitre.

Texte par Jérôme Huffer.


Jonathan Jacques Louis, 21, and Alexander Semyonov, 25.

Mads Nissen, Danemark, Scanpix/Panos Pictures


L’organisation se cherche une identité. Consciente de l’influence de son concours phare, elle veut désormais l’utiliser à des fins plus politique. Choisir la photo de Mads Nissen représentant un couple gay en Russie est un message militant sans équivoque. Mais selon eux, ce parti pris est également un acte politique au sein du microcosme de la photographie de presse. Il affirme que la photo de l’année n’est pas forcément issue d’un drame. Tous les éléments de langage préparés par la communication de l’institution vont dans ce sens.

Sur l’Instant, Patrick Baz l’énonce ainsi : « Je défend cette image qui montre que le photojournalisme n’est pas uniquement sur la guerre et qu’une bonne histoire peut se trouver de l’autre coté de la rue ». Dans Time, le photographe Mark Barker renchérit : « Vous n’avez pas besoin d’aller en Afrique pour Ebola, ou en Ukraine pour la guerre pour faire une bonne image ».

Cette force de justifications est étonnante lorsqu’on observe les vainqueurs des éditions précédentes, qui n’étaient également pas des photos de conflit. Le concours néerlandais a toujours donné une résonance artistique et sociologique à ses choix. Certains prix, comme le Visa d’or du festival de Perpignan, jugent l’art et la manière. Le World Press, lui, juge l’art et la portée politique.

Avec l’édition 2014, ce qui n’était qu’un ressenti est désormais pleinement assumé. Et communiqué! Car l’institution qui va fêter ses 60 ans avance avec son époque à marche forcée. Elle a compris que la communication virale provoquée par ses décisions était phénoménale. La présence de Pamela Chen, directrice éditoriale d’Instagram en est un signe clair. Elle est pour eux, le casting idéal. Elle incarne l’expérience et la légitimité (anciennement chez National Geographic) et l’horizon du métier. À coté de cela, l’institution multiplie les actions pour élargir la sphère de son concours annuel : exposition à travers le monde, conférences et workshop… Lars Boering, son nouveau directeur, veut que le World Press Photo devienne l’épicentre de la réflexion sur photojournalisme et prépare à la création d’un think-tank de référence.

Par ces choix, le jury du WPP a voulu marquer l’Histoire. Celle de la photographie, celle de la société mais aussi celle de leur organisation. Finalement, la seule chose qu’on pourrait vraiment leur reprocher: plus faire parler d’eux que des photographies et leurs auteurs qu’ils veulent mettre en avant.




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